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L'immunité de juridiction pénale des représentants de l'Etat face aux crimes de droit International

(2018)

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La création, en droit international, des juridictions pénales internationales traduit le souci des Etats de mettre fin à l’impunité des crimes de masse. La compétence universelle reconnue quant à ce aux Etats en vue de la poursuite de ces crimes rencontre cependant des obstacles majeurs parmi lesquels figurent le principe d’immunité de juridiction des hauts représentants d’Etat. La mise en œuvre de ce principe ouvre alors la porte à des controverses et d’âpres débats en droit international à l’ère actuelle. Pour certains auteurs, un acte de fonction, par essence, ne saurait impliquer des violations des crimes de droit international. En cas de ces violations, les immunités seraient donc inopérantes. Pour d’autres, ces immunités reposent essentiellement sur une base coutumière et protègent la fonction du bénéficiaire peu importe la nature du crime. La CDI aborde dans ce sens lorsqu’elle considère, comme nous l’avons vu, qu’en droit international moderne il est difficile de prouver l’existence d’une règle coutumière qui pose les limites à l’immunité personnelle des représentant d’Etat. L’immunité totale devant les juridictions étrangères est cependant contestée non pas sur base d’un point de vue du droit positif mais quant à sa raison d’être au regard des valeurs fondées sur le jus cogens protecteur des droits de l’homme. C’est dans ce sens que la cour de cassation italienne affirme, dans l’arrêt Ferrini, que l’Etat accusé d’avoir commis des crimes internationaux n’a pas droit à l’immunité de juridiction. D’ailleurs, on peut déduire, à la lumière des immunités qui couvrent les actes de fonctions, qu’il est possible de poursuivre au pénal, devant les juridictions étrangères, les actes qui ne se rattachent pas à la fonction. Il apparaît donc que si une telle poursuite est possible pour une catégorie des représentants de l’Etat, un problème se pose en ce qui concernent le chef d’Etat, le chef du gouvernement et le ministre des affaires étrangères qui jouissent d’une immunité ratione personae en plus d’une immunité ratione materiae. A ce sujet, nous avons vu que dans l’affaire du Mandat d’arrêt, la Cour internationale de justice a retenu le caractère coutumier de ces immunités, elle a aussi rejeté toute distinction entre les actes accomplis à titre officiel et ceux accomplis avant ou pendant le mandat. Elle a retenu à ce sujet que l’immunité du ministre des affaires étrangère est absolue devant les juridictions étrangères et ne souffre d’aucune exception. Nous avons vu qu’une telle position a couté à la CIJ des nombreuses critiques. Cependant, elle a déclaré qu’après la cessation des fonctions, un représentant d’Etat ne saurait jouir de toutes les immunités accordées par le droit international dans d’autres Etats. Ainsi, a-t-elle ajouté qu’un tribunal d’un Etat peut juger une telle personne pour des actes commis avant ou après son mandant, ainsi que pour les actes commis à titre privé pendant la période de mandat. Selon la CIJ, « il est clairement établi en droit international que, de même que les agents diplomatiques et consulaires, certaines personnes occupant un rang élevé dans l’État, telles que le chef de l’État, le chef du gouvernement ou le ministre des affaires étrangères, jouissent dans les autres États d’immunités de juridiction, tant civiles que pénales » . Cependant, la notion de personnalité de rang élevé est d’appréciation subjective. Il est difficile d’en fixer un contenu stable. A part les chefs de l’État, chef du gouvernement et ministre des affaires étrangères, nous avons vu que la CDI ne reconnait pas à d’autres représentants de l’Etat de rang élevé une immunité ratione personae. Ces derniers ne jouissent que d’une immunité matérielle leur permettant d’exercer leurs fonctions de représentation de l’Etat en toute quiétude. L’état actuel du droit sur la responsabilité pénale des représentants d’Etat en exercice reste donc fortement polarisé entre d’une part les limites aux poursuites devant les juridictions étrangères dues aux immunités et d’autre part la mise à l’écart de ces immunités devant les juridictions internationales compétentes. Cette polarisation est entretenue par la souveraineté des Etats en vue d’une cohabitation pacifique ainsi que par le souci de répression des crimes graves au nom de la communauté internationale. La position de la CIJ dans l’affaire du mandat d’arrêt renforce cette polarité et influence en grande partie les tribunaux nationaux. Pour l'heure, il est évident que la décision de la CIJ est de la plus haute importance et clarifie le droit international sur le point des immunités des représentants de haut rang quant à leur justiciabilité devant les juridictions des états étrangers pour crimes de droit international. Cette décision est soutenue par les travaux de la CDI selon lesquels il est difficile de parler d'exceptions à l'immunité en tant que norme du droit international coutumier . Cependant la CDI vient de poser en sa session du 27 et du 30 juillet 2018 des garanties procédurales pour l’examen de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’Etat en vue de réduire une justification du maintien d’une immunité sans limites ni exceptions qui conduirait selon elle à l’instabilité des relations internationales. La mise en œuvre par les Etat de ces garanties devraient faciliter la poursuite des représentants de haut rang et limiter par conséquent les effets de leur immunité de juridiction en cas de commission des crimes de droit international.