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La crise de transition démocratique au Rwanda (1990-2003) : Relecture de la phase d’émergence (1990-1991) au prisme de la Théorie des conjonctures politiques fluides de Michel Dobry
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- Ce mémoire propose un cadre analytique, méthodologique et épistémologique pour l’étude de la crise de transition démocratique rwandaise (1990-2003), en démontrant son applicabilité à la phase d’émergence de cette crise, située entre le 5 juillet 1990 et le 10 juin 1991. La démarche repose sur la théorie des conjonctures politiques fluides de Michel Dobry, articulée à une approche sociohistorique centrée sur l’analyse du temps court. La phase d’émergence est définie comme le basculement progressif d’un système social, initialement en conjoncture routinière, vers une conjoncture fluide, marquée par une transformation profonde des structures sociales. Notre analyse de cette phase débute par l’examen des traits structurels du système social rwandais avant le basculement, en mettant en lumière les logiques sociales qui régissaient les rapports et les activités des acteurs. Nous poursuivons ensuite par l’analyse de la transformation structurelle du système social instauré par le Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND), transformation induite par une série d’événements inédits survenus dans le pays. Le discours prononcé par le président Juvénal Habyarimana le 5 juillet 1990 marque officiellement le début d’une transition politique imposé par le haut, d’un régime autoritaire à parti unique vers un système multipartite. Cette ouverture politique, ainsi que l’attaque armée du Front patriotique rwandais (FPR) contre le Rwanda survenue le 1er octobre 1990, catalysent des mobilisations tant au sein de la société rwandaise qu’à l’extérieur, autour de revendications portant sur la démocratisation du pays, les enjeux liés à la guerre en cours et les droits humains. Ces événements induisent de nouvelles dynamiques sociales, qui provoquent une transformation progressive du système social, remettant en cause les logiques établies, notamment la logique identitaire. Celle-ci régresse alors vers une unidimensionnalisation de l’identité sociale autour de la dichotomie « Hutu-Tutsi », exacerbant les tensions et reconfigurant les cadres d’interaction au sein de la société rwandaise. Les résultats de notre recherche mettent en évidence une transformation des rapports sociaux ainsi que des cadres d’action dans lesquels les acteurs évoluaient avant la crise, transformation marquée par une remise en question des logiques sociales préexistantes par divers acteurs de la société rwandaises et de la communauté internationale. Les sources mobilisées dans notre recherche — les numéros de la revue Dialogue, les archives diplomatiques belges et françaises, ainsi que celles de la Commission européenne, majoritairement produites durant la période étudiée — mettent en évidence cette transformation des structures sociales et des modes d’action des acteurs rwandais. Nous montrons qu’en pleine crise, le régime du MRND perd progressivement le contrôle des effets de ses propres actions, ainsi que de son image auprès de l’opinion internationale. Face à cette situation critique et aux nombreuses remises en cause de sa légitimité à gouverner le pays, le régime du MRND tente de canaliser la crise en s’efforçant de répondre aux problèmes soulevés par ses détracteurs, notamment en accélérant le processus de transition politique. La crise de transition démocratique rwandaise (1990-2003), prend une nouvelle tournure avec l’adoption d’une nouvelle Constitution, le 10 juin 1991. Celle-ci innove par rapport à la précédente en entérinant la fin du régime à parti unique du MRND et l’avènement d’un régime multipartite de droit, au sein duquel de nouveaux acteurs politiques intègrent un champ désormais ouvert à la compétition. Our analysis of this phase begins with an examination of the structural features of the Rwandan social system prior to the shift, highlighting the social logics that governed actors’ relationships and activities. We then proceed to analyze the structural transformation of the social system established by the Mouvement National Révolutionnaire pour le Développement (MRND), a transformation triggered by a series of unprecedented events within the country. The speech delivered by President Juvénal Habyarimana on July 5, 1990, officially marks the beginning of a top-down political transition, from a one-party authoritarian regime to a multiparty system. This political opening, along with the armed attack launched by the Rwandan Patriotic Front (RPF) on October 1, 1990, catalyzed mobilizations both within Rwandan society and internationally, centered around demands for democratization, issues related to the ongoing war, and human rights. These events induced new social dynamics, leading to a progressive transformation of the social system and challenging established logics, particularly identity-based logic. The latter then regressed into a unidimensional conception of social identity centered on the “Hutu–Tutsi” dichotomy, thereby exacerbating tensions and reshaping frameworks of interaction within Rwandan society. The findings of our research highlight a transformation of social relations and the frameworks of action within which actors operated prior to the crisis. This transformation is marked by a questioning of pre-existing social logics by various actors in Rwandan society and the international community. The sources mobilized in our research — including issues of revue Dialogue, Belgian and French diplomatic archives, as well as those of the European Commission, mostly produced during the studied period — underscore this transformation of social structures and Rwandan actors’ modes of action. We show that, in the midst of the crisis, the MRND regime gradually lost control over the consequences of its own actions and its image in the eyes of international opinion. Confronted with this critical situation and the numerous challenges to its legitimacy to govern the country, the MRND regime sought to control the crisis by attempting to respond to the concerns raised by its critics, notably by achieving the political transition process. The Rwandan democratic transition crisis (1990–2003) took a new turn with the adoption of a new Constitution on June 10, 1991. This Constitution introduced a radical innovation compared to the previous one by formally ending the MRND’s one-party regime and establishing a legal multiparty system, within which new political actors entered a field now open to competition.